Comme dans bien des cas quand arrivent des néologismes sur la place publique, l’orateur moderne pourra s’en trouver plus riche des mots, l’auditeur perplexe ressentira une piqure auriculaire à la perception de nouveaux sons.

Au delà des mots inconnus dont il faut se repaître chaque jour (avoir le seum, askip, balec, la hess….), il y a les sons qui font saigner les oreilles des puristes. (la gênance, la bravitude, passe crème…).

« Le domaine de la langue est aussi le champ libre à l’évolution, au mouvement dont personne ne peut revendiquer la responsabilité: la langue est indifférente aux personnes… » (M.Casevitz).

La médiation en Béarn, comme dans toute la France, ne déroge pas à ce phénomène du nouveau paradigme (voir Médiation (pourquoi) professionnelle). Alors MédiateurE ou Médiatrice ?

Merci à Magali Heitz, Médiateure à Pau pour sa contribution à la compréhension de ce choix chez les professionnel(le)s de la médiation avec la réflexion qui suit:

« Pourquoi avoir choisi MédiateurE et pas médiatrice ?

En voilà une question intéressante !
J’entends souvent dire : 
“médiatrice, c’est féminin ! Tu peux valoriser ta profession de ton point de vue de femme !” 
ou encore
“médiatrice, c’est plus vendeur pour ta cible, ton persona !”

Ces arguments mettant en avant le féminin de la profession me semblaient trop réducteurs. Voici donc pourquoi je me présente aujourd’hui comme médiateure professionnelle.

Avant toute chose, je ne suis pas la première MédiateurE ! En 2007,  les femmes en exercice membres de la Chambre Professionnelle de la Médiation et de la Négociation (CPMN) ont retenu le terme de “médiateure professionnelle” pour désigner leur profession. Avec elles, je fais le même choix pour au moins 3 raisons.

-Qu’en dit le français ?
La règle générale en grammaire c’est que le nom de la profession s’accorde avec le nom auquel il se rapporte. Quand une profession est au féminin, on ajoute un “e” à la fin (un avocat/une  avocate). Quand le nom d’une profession se termine par “e” au masculin, il ne change pas de forme au féminin (un psychologue/une psychologue).
Mais comme on le sait en français il existe tout un tas d’exceptions ! Comme par exemple les métiers en -teur qui sont transformés en -trice. Donc, grammaticalement, médiateur pourrait être transformé en médiatrice ! Mais là encore il existe des exceptions au sein de l’exception : un chanteur/une chanteuse.
Étant donné qu’il s’agit d’une nouvelle profession, la règle nous permet d’ajouter simplement un -E alors j’ajoute simplement un E !

– Qu’en disent les mathématiques ?
En géométrie, une “médiatrice” est “une droite perpendiculaire à un segment de droite en son milieu”. Plus simplement c’est une ligne qui coupe une autre ligne en 2 parts égales. 
La définition de ce mot en maths n’a aucune correspondance avec ma profession. En tant que médiateure il n’est pas question de couper quoi que ce soit ou qui que ce soit et encore moins en 2 parts égales.
Il est clair que je préfère éviter d’utiliser un mot qui introduit une ambiguïté ou une confusion auprès des personnes que j’accompagne dans leur projet relationnel.

– Qu’en dit la philosophie ?
Choisir “médiateure” me permet d’illustrer les éléments de la posture professionnelle de ma profession jusque dans son appellation.
Le médiateur est impartial, neutre et indépendant. Cette posture professionnelle parle de la distance du médiateur vis-à-vis des personnes, vis-à-vis de la solution et vis-à-vis de toute forme d’autorité.  
Choisir “médiateurE” est un écho à cette neutralité, cette impartialité et cette indépendance.
Dans le processus de médiation il ne s’agit pas de moi et encore moins de ma féminité. Il s’agit des personnes qui sont en conflit et que j’accompagne dans la neutralité, l’impartialité et l’indépendance, dans un processus résolutoire, structuré et rationnel. » 

Alors police linguistique vs liberté de son ? Evolution sociétale de la langue ou puriste de la verve ?

En tout cas les femmes professionnelles de la médiation ont décidé, en promouvant cette liberté de choisir, qui est l’ADN du projet relationnel et de l’Entente.

Merci de votre attention.